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en violent tous les principes. Une société qui, pour vivre, aurait besoin de telles mesures aurait signé de ses propres mains son arrêt de déchéance et de mort. Ce n’est pas sur l’arbitraire, sur l’injustice, que l’on peut fonder la sécurité sociale. La redoutable crise déchaînée dans ce pays par le crime de quelques hommes, la complicité de quelques autres, la lâcheté d’un plus grand nombre et l’indifférence d’un nombre plus grand encore, n’aura pas été sans quelque compensation si elle ouvre les yeux à ce qui reste d’amis du droit, de fermes défenseurs de la justice, de républicains intègres, à certains dangers et à certains devoirs.

À la lueur aveuglante de l’affaire, nous avons entrevu des d’iniquité. Il nous a été révélé des choses auxquelles nous ne voulions et ne pouvions croire. La scélératesse de quelques hommes a eu une répercussion effrayante sur la faiblesse de beaucoup d’autres. Il est démontré qu’il n’existe pas de plus grand péril que de faire crédit aux individus — fussent-ils empanachés, couverts de galons et d’étoiles. Il est évident qu’il n’est pas de pire danger que de faire à des juges — mêmes civils — le redoutable présent d’un droit arbitraire de vie et de mort sur toute une catégorie de citoyens. Après la légitime défiance des hommes, cette crise nous aura appris la défiance non moins salutaire des institutions. Si nous sortons vainqueurs de ce grand combat, si la justice et la vérité l’emportent, quelle tâche s’offre ou plutôt s’impose à nous !

Quiconque a gardé au cœur le moindre souffle du libéralisme de nos pères, quiconque voit dans la République autre chose que le marchepied de sordides ambitions, a compris que le seul moyen de préserver le modeste dépôt de nos libertés acquises, le patrimoine si peu ample de nos franchises héréditaires, c’est de poursuivre sans relâche l’œuvre de justice sociale de la Révolution. À cette heure on ne peut plus être un libéral sincère, consciencieux, qu’à la condition de faire publiquement et irrévocablement adhésion au parti de la Révolution. Cela, pour deux raisons : parce que tout se tient dans une société et que la liberté n’est qu’une forme vide et un vain mot, un trompe-l’œil hypocrite, tant qu’on ne lui donne pas sous forme d’institutions les conditions sociales de sa réalisa-