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sabre ; il semblait les exhorter avec chaleur. Les cris aigus, qui avaient un instant cessé, redoublèrent de nouveau. « Maintenant, enfants ! s’écria le capitaine, ouvrez la porte, battez, le tambour, et en avant ! Suivez-moi pour une sortie ! »

Le commandant, Ivan Ignatiitch et moi, nous nous trouvâmes en un instant hors du parapet. Mais la garnison, intimidée, n’avait pas bougé de place. « Que faites-vous donc, mes enfants ? s’écria Ivan Kouzmitch ; s’il faut mourir, mourons ; affaire de service ! »

En ce moment les rebelles se ruèrent sur nous, et forcèrent l’entrée de la citadelle. Le tambour se tut, la garnison jeta ses armes. On m’avait renversé par terre ; mais je me relevai et j’entrai pêle-mêle avec la foule dans la forteresse. Je vis le commandant blessé à la tête, et pressé par une petite troupe de bandits qui lui demandaient les clefs. J’allais courir à son secours, quand plusieurs forts Cosaques me saisirent et me lièrent avec leurs kouchaks en criant : « Attendez, attendez ce qu’on va faire de vous, traîtres au tsar ! »

On nous traîna le long des rues. Les habitants sortaient de leurs maisons, offrant le pain et le sel. On sonna les cloches. Tout à coup des cris annoncèrent que le tsar était sur la place, attendant les prisonniers pour recevoir leurs serments. Toute la foule se jeta de ce côté, et nos gardiens nous y traînèrent.

Pougatcheff était assis dans un fauteuil, sur le perron de la maison du commandant. Il était vêtu d’un élégant cafetan cosaque, brodé sur les coutures. Un haut bonnet de martre zibeline, orné de glands d’or, descendait jusque sur ses yeux flamboyants. Sa figure ne me parut pas inconnue. Les