Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/77

Cette page n’a pas encore été corrigée

exécuteur de l’ordre du commandant, les entendit, de ses propres oreilles, dire assez clairement :

« Attends, attends, rat de garnison ! »

Le commandant avait eu l’intention d’interroger son prisonnier le même jour ; mais l’ouriadnik s’était échappé, sans doute avec l’aide de ses complices.

Un nouvel événement vint accroître l’inquiétude du capitaine. On saisit un Bachkir porteur de lettres séditieuses. À cette occasion, le commandant prit le parti d’assembler derechef ses officiers, et pour cela il voulut encore éloigner sa femme sous un prétexte spécieux. Mais comme Ivan Kouzmitch était le plus adroit et le plus sincère des hommes, il ne trouva pas d’autre moyen que celui qu’il avait déjà employé une première fois.

« Vois-tu bien, Vassilissa Iégorovna, lui dit-il en toussant à plusieurs reprises, le père Garasim a, dit-on, reçu de la ville…

– Tais-toi, tais-toi, interrompit sa femme ; tu veux encore rassembler un conseil de guerre et parler sans moi de Iéméliane Pougatcheff ; mais tu ne me tromperas pas cette fois. »

Ivan Kouzmitch écarquilla les yeux : « Eh bien, ma petite mère, dit-il, si tu sais tout, reste, il n’y a rien à faire ; nous parlerons devant toi.

– Bien, bien, mon petit père, répondit-elle, ce n’est pas à toi de faire le fin. Envoie chercher les officiers. »

Nous nous assemblâmes de nouveau. Ivan Kouzmitch nous lut, devant sa femme, la proclamation de Pougatcheff, rédigée par quelque Cosaque à demi lettré. Le brigand nous déclarait son intention de marcher immédiatement sur notre forteresse, invitant les Cosaques et les soldats à se réunir à lui, et conseillait aux chefs de ne pas résister, les menaçant en ce cas du dernier supplice. La proclamation était écrite en termes grossiers,