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vit bien qu’il avait trop parlé, et se mordit la langue. Mais il était trop tard, Vassilissa Iégorovna le contraignit à lui tout raconter, après avoir engagé sa parole qu’elle ne dirait rien à personne.

Elle tint sa promesse, et, en effet, ne dit rien à personne, si ce n’est à la femme du pope, et cela par l’unique raison que la vache de cette bonne dame, étant encore dans la steppe, pouvait être enlevée par les brigands.

Bientôt tout le monde parla de Pougatcheff. Les bruits qui couraient sur son compte étaient fort divers. Le commandant envoya l’ouriadnik avec mission de bien s’enquérir de tout dans les villages voisins. L’ouriadnik revint après une absence de deux jours, et déclara qu’il avait dans la steppe, à soixante verstes de la forteresse, une grande quantité de feux, et qu’il avait ouï dire aux Bachkirs qu’une force innombrable s’avançait. Il ne pouvait rien dire de plus précis, ayant craint de s’aventurer davantage.

On commença bientôt à remarquer une grande agitation parmi les Cosaques de la garnison. Dans toutes les rues, ils s’assemblaient par petits groupes, parlaient entre eux à voix basse, et se dispersaient dès qu’ils apercevaient un dragon ou tout autre soldat russe. On les fit espionner : Ioulaï, Kalmouk baptisé, fit au commandant une révélation très grave. Selon lui, l’ouriadnik aurait fait de faux rapports ; à son retour, le perfide Cosaque aurait dit à ses camarades qu’il s’était avancé jusque chez les révoltés, qu’il avait été présenté à leur chef, et que ce chef, lui ayant donné sa main à baiser, s’était longuement entretenu avec lui. Le commandant fit aussitôt mettre l’ouriadnik aux arrêts, et désigna Ioulaï pour le remplacer. Ce changement fut accueilli par les Cosaques avec un mécontentement visible. Ils murmuraient à haute voix, et Ivan Ignatiitch, l’