Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée

balbutia quelques mots incohérents. Vassilissa Iégorovna s’aperçut aussitôt de la perfidie de son mari ; mais, sûre qu’elle n’obtiendrait rien de lui pour le moment, elle cessa ses questions et parla des concombres salés d’Akoulina Pamphilovna savait préparer d’une façon supérieure. De toute la nuit, Vassilissa Iégorovna ne put fermer l’œil, n’imaginant pas ce que son mari avait en tête qu’elle ne pût savoir.

Le lendemain, au retour de la messe, elle aperçut Ivan Ignatiitch occupé à ôter du canon des guenilles, de petites pierres, des morceaux de bois, des osselets et toutes sortes d’ordures que les petits garçons y avaient fourrées. « Que peuvent signifier ces préparatifs guerriers ? pensa la femme du commandant. Est-ce qu’on craindrait une attaque de la part des Kirghises ? mais serait-il possible qu’Ivan Kouzmitch me cachât une pareille misère ? » Elle appela Ivan Ignatiitch avec la ferme résolution de savoir de lui le secret qui tourmentait sa curiosité de femme.

Vassilissa Iégorovna débuta par lui faire quelques remarques sur des objets de ménage, comme un juge qui commence un interrogatoire par des questions étrangères à l’affaire pour rassurer et endormir la prudence de l’accusé. Puis, après un silence de quelques instants, elle poussa un profond soupir, et dit en hochant la tête :

« Oh ! mon Dieu, Seigneur ! voyez quelle nouvelle ! Qu’adviendra-t-il de tout cela ?

– Eh ! ma petite mère, répondit Ivan Ignatiitch, le Seigneur est miséricordieux ; nous avons assez de soldats, beaucoup de poudre ; j’ai nettoyé le canon. Peut-être bien repousserons-nous ce Pougatcheff. Si Dieu ne nous abandonne, le loup ne mangera personne ici.

– Et quel homme est-ce que ce Pougatcheff ? » demanda la femme du commandant.

Ivan Ignatiitch