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de la maladie de ma mère. J’étais indigné contre Savéliitch, ne doutant pas que ce ne fût lui qui avait fait connaître mon duel à mes parents. Après avoir marché quelque temps en long et en large dans ma petite chambre, je m’arrêtai brusquement devant lui, et lui dis avec colère : « Il paraît qu’il ne t’a pas suffi que, grâce à toi, j’aie été blessé et tout au moins au bord de la tombe ; tu veux aussi tuer ma mère ».

Savéliitch resta immobile comme si la foudre l’avait frappé.

« Aie pitié de moi, seigneur, s’écria-t-il presque en sanglotant ; qu’est-ce que tu daignes me dire ? C’est moi qui suis la cause que tu as été blessé ? Mais Dieu voit que je courais mettre ma poitrine devant toi pour recevoir l’épée d’Alexéi Ivanitch. La vieillesse maudite m’en a seule empêché. Qu’ai-je donc fait à ta mère ?

– Ce que tu as fait ? répondis-je. Qui est-ce qui t’a chargé d’écrire une dénonciation contre moi ? Est-ce qu’on t’a mis à mon service pour être mon espion ?

– Moi, écrire une dénonciation ! répondit Savéliitch tout en larmes. Ô Seigneur, roi des cieux ! Tiens, daigne lire ce que m’écrit le maître, et tu verras si je te dénonçais. »

En même temps il tira de sa poche une lettre qu’il me présenta, et je lus ce qui suit :

« Honte à toi, vieux chien, de ce que tu ne m’as rien écrit de mon fils Piôtr Andréitch, malgré mes ordres sévères, et de ce que ce soient des étrangers qui me font savoir ses folies ! Est-ce ainsi que tu remplis ton devoir et la volonté de tes seigneurs ? Je t’enverrai garder les cochons, vieux chien, pour avoir caché la vérité et pour ta condescendance envers le jeune homme. À la réception de cette lettre, je t’ordonne de m’informer immédiatement de l’état de sa santé, qui, à ce qu’on me mande, s’améliore, et de me désigner