– Et que croyez-vous, Marie Ivanovna ? lui plaisez-vous, ou non ? »
Marie Ivanovna se troubla et rougit : « Il me semble, dit-elle enfin, il me semble que je lui plais.
– Pourquoi cela ?
– Parce qu’il m’a fait des propositions de mariage.
– Il vous a fait des propositions de mariage ? Quand cela ?
– L’an passé, deux mois avant votre arrivée,
– Et vous n’avez pas consenti ?
– Comme vous voyez. Alexéi Ivanitch est certainement un homme d’esprit et de bonne famille ; il a de la fortune ; mais, à la seule idée qu’il faudrait, sous la couronne, l’embrasser devant tous les assistants… Non, non, pour rien au monde. »
Les paroles de Marie Ivanovna m’ouvrirent les yeux et m’expliquèrent beaucoup de choses. Je compris la persistance que mettait Chvabrine à la poursuivre. Il avait probablement remarqué notre inclination mutuelle, et s’efforçait de nous détourner l’un de l’autre. Les paroles qui avaient provoqué notre querelle me semblèrent d’autant plus infâmes, quand, au lieu d’une grossière et indécente plaisanterie, j’y vis une calomnie calculée. L’envie de punir le menteur effronté devint encore plus forte en moi, et j’attendais avec impatience le moment favorable.
Je n’attendis pas longtemps. Le lendemain, comme j’étais occupé à composer une élégie, et que je mordais ma plume dans l’attente d’une rime, Chvabrine frappa sous ma fenêtre. Je posai la plume, je pris mon épée, et sortis de la maison.
« Pourquoi remettre plus longtemps ? me dit Chvabrine ; on ne nous observe plus. Allons au bord de la rivière ; là personne ne nous empêchera. »
Nous partîmes en silence, et, après avoir descendu un sentier escarpé,