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ne voyant pas revenir son mari, envoya pour la seconde fois Palachka l’appeler.

« Dis au maître que les visites attendent ; le chtchi se refroidit. Grâce à Dieu, l’exercice ne s’en ira pas, il aura tout le temps de s’égosiller à son aise. »

Le capitaine apparut bientôt, accompagné du petit vieillard borgne.

« Qu’est-ce que cela, mon petit père ? lui dit sa femme. La table est servie depuis longtemps, et l’on ne peut pas te faire venir.

– Vois-tu bien, Vassilissa Iégorovna, répondit Ivan Kouzmitch, j’étais occupé de mon service, j’instruisais mes petits soldats.

– Va, va, reprit-elle, ce n’est qu’une vanterie. Le service ne leur va pas, et toi tu n’y comprends rien. Tu aurais dû rester à la maison, à prier le bon Dieu ; ça t’irait bien mieux. Mes chers convives, à table, je vous prie. »

Nous prîmes place pour dîner. Vassilissa Iégorovna ne se taisait pas un moment et m’accablait de questions ; qui étaient mes parents, s’ils étaient en vie, où ils demeuraient, quelle était leur fortune ? Quand elle sut que mon père avait trois cents paysans :

« Voyez-vous ! s’écria-t-elle, y a-t-il des gens riches dans ce monde ! Et nous, mon petit père, en fait d’âmes, nous n’avons que la servante Palachka. Eh bien, grâce à Dieu, nous vivons petit à petit. Nous n’avons qu’un souci, c’est Macha, une fille qu’il faut marier. Et quelle dot a-t-elle ? Un peigne et quatre sous vaillant pour se baigner deux fois par an. Pourvu qu’elle trouve quelque brave homme ! sinon, la voilà éternellement fille. »

Je jetai un coup d’œil sur Marie Ivanovna ; elle était devenue