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écartées, un petit vieillard borgne en habit d’officier. « Que désirez-vous, mon petit père ? » me dit-elle sans interrompre son occupation. Je répondis que j’étais venu pour entrer au service, et que, d’après la règle, j’accourais me présenter à monsieur le capitaine. En disant cela, je me tournai vers le petit vieillard borgne, que j’avais pris pour le commandant. Mais la bonne dame interrompit le discours que j’avais préparé à l’avance.

« Ivan Kouzmitch n’est pas à la maison, dit-elle. Il est allé en visite chez le père Garasim. Mais c’est la même chose, je suis sa femme. Veuillez nous aimer et nous avoir en grâce. Assieds-toi, mon petit père. »

Elle appela une servante et lui dit de faire venir l’ouriadnik. Le petit vieillard me regardait curieusement de son œil unique. « Oserais-je vous demander, me dit-il, dans quel régiment vous avez daigné servir ? » Je satisfis sa curiosité.

« Et oserais-je vous demander, continua-t-il ; pourquoi vous avez daigné passer de la garde dans notre garnison ? »

Je répondis que c’était par ordre de l’autorité.

« Probablement pour des actions peu séantes à un officier de la garde ? reprit l’infatigable questionneur.

– Veux-tu bien cesser de dire des bêtises ? lui dit la femme du capitaine. Tu vois bien que ce jeune homme est fatigué de la route. Il a autre chose à faire que de te répondre. Tiens mieux tes mains. Et toi, mon petit père, continua-t-elle en se tournant vers moi, ne t’afflige pas trop de ce qu’on t’ait fourré dans notre bicoque ; tu n’es pas le premier, tu ne seras pas le dernier. On souffre, mais on s’habitue. Tenez, Chvabrine, Alexéi Ivanitch, il y a déjà quatre ans