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– Mais on la voit d’ici », répondit-il.

Je me mis à regarder de tous côtés, m’attendant à voir de hauts bastions, une muraille et un fossé. Mais je ne vis rien qu’un petit village entouré d’une palissade en bois. D’un côté s’élevaient trois ou quatre tas de foin, à demi recouverts de neige ; d’un autre, un moulin à vent penché sur le côté, et dont les ailes, faites de grosse écorce de tilleul, pendaient paresseusement.

« Où donc est la forteresse ? demandai-je étonné.

– Mais la voilà », repartit le cocher en me montrant le village où nous venions de pénétrer.

J’aperçus près de la porte un vieux canon en fer. Les rues étaient étroites et tortueuses ; presque toutes les isbas étaient couvertes en chaume. J’ordonnai qu’on me menât chez le commandant, et presque aussitôt ma kibitka s’arrêta devant une maison en bois, bâtie sur une éminence, près de l’église, qui était en bois également.

Personne ne vint à ma rencontre. Du perron j’entrai dans l’antichambre. Un vieil invalide, assis sur une table, était occupé à coudre une pièce bleue au coude d’un uniforme vert. Je lui dis de m’annoncer. « Entre, mon petit père, me dit l’invalide, les nôtres sont à la maison. » Je pénétrai dans une chambre très propre, arrangée à la vieille mode. Dans un coin était dressée une armoire avec de la vaisselle. Contre la muraille un diplôme d’officier pendait encadré et sous verre. Autour du cadre étaient rangés des tableaux d’écorce, qui représentaient la Prise de Kustrin et d’Otchakov, le Choix de la fiancée et l’Enterrement du chat par les souris. Près de la fenêtre se tenait assise une vieille femme en mantelet, la tête enveloppée d’un mouchoir.


Elle était occupée à dévider du fil que tenait, sur ses mains