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« Eh bien ! as-tu froid ?

– Comment n’avoir pas froid dans un petit cafetan tout troué ? J’avais un touloup ; mais, à quoi bon m’en cacher, je l’ai laissé en gage hier chez le marchand d’eau-de-vie ; le froid ne me semblait pas vif. »

En ce moment l’hôte rentra avec le somovar tout bouillant. Je proposai à notre guide une tasse de thé. Il descendit aussitôt de la soupente. Son extérieur me parut remarquable. C’était un homme d’une quarantaine d’années, de taille moyenne, maigre, mais avec de larges épaules. Sa barbe noire commençait à grisonner. Ses grands yeux vifs ne restaient jamais tranquilles. Il avait dans la physionomie une expression assez agréable, mais non moins malicieuse. Ses cheveux étaient coupés en rond. Il portait un petit armak déchiré et de larges pantalons tatars. Je lui offris une tasse de thé, il en goûta et fit la grimace. « Faites-moi la grâce, Votre Seigneurie, me dit-il, de me faire donner un verre d’eau-de-vie ; le thé n’est pas notre boisson de Cosaques. »

J’accédai volontiers à son désir. L’hôte prit sur un des rayons de l’armoire un broc et un verre, s’approcha de lui, et, l’ayant regardé bien en face : « Eh ! Eh ! dit-il, te voilà de nouveau dans nos parages ! D’où Dieu t’a-t-il amené ? »

Mon guide cligna de l’œil d’une façon toute significative et répondit par le dicton connu : « Le moineau volait dans le verger ; il mangeait de la graine de chanvre ; la grand’mère lui jeta une pierre et le manqua. Et vous, comment vont les vôtres ?

– Comment vont les nôtres ? répliqua l’hôtelier en continuant de parler proverbialement. On commençait à sonner les