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quel temps ? Tout de suite on perd la route. Mieux vaut s’arrêter ici et attendre ; peut-être l’ouragan cessera. Et le ciel sera serein, et nous trouverons le chemin avec les étoiles. »

Son sang-froid me donna du courage. Je m’étais déjà décidé, en m’abandonnant à la grâce de Dieu, à passer la nuit dans la steppe, lorsque tout à coup le passant s’assit sur le banc qui faisait le siège du cocher : « Grâce à Dieu, dit-il à celui-ci, une habitation n’est pas loin. Tourne à droite et marche.

– Pourquoi irais-je à droite ? répondit mon cocher avec humeur. Où vois-tu le chemin ? Alors il faut dire : chevaux à autrui, harnais aussi, fouette sans répit. »

Le cocher me semblait avoir raison. « En effet, dis-je au nouveau venu, pourquoi crois-tu qu’une habitation n’est pas loin ?

– Le vent a soufflé de là, répondit-il, et j’ai senti une odeur de fumée, preuve qu’une habitation est proche. »

Sa sagacité et la finesse de son odorat me remplirent d’étonnement. J’ordonnai au cocher d’aller où l’autre voulait. Les chevaux marchaient lourdement dans la neige profonde. La kibitka s’avançait avec lenteur, tantôt soulevée sur un amas, tantôt précipitée dans une fosse et se balançant de côté et d’autre. Cela ressemblait beaucoup aux mouvements d’une barque sur la mer agitée. Savéliitch poussait des gémissements profonds, en tombant à chaque instant sur moi. Je baissai la tsinovka, je m’enveloppai dans ma pelisse et m’endormis, bercé par le chant de la tempête et le roulis du traîneau. J’eus alors un songe que je n’ai plus oublié et dans lequel je vois encore quelque chose de prophétique, en me rappelant les étranges aventures de ma