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Elle commença par lire d’un air attentif et bienveillant ; mais soudainement son visage changea, et Marie, qui suivait des yeux tous ses mouvements, fut effrayée de l’expression sévère de ce visage si calme et si gracieux un instant auparavant.

« Vous priez pour Grineff, dit la dame d’un ton glacé. L’impératrice ne peut lui accorder le pardon. Il a passé à l’usurpateur, non comme un ignorant crédule, mais comme un vaurien dépravé et dangereux.

– Ce n’est pas vrai ! s’écria Marie.

– Comment ! ce n’est pas vrai ? répliqua la dame qui rougit jusqu’aux yeux.

– Ce n’est pas vrai, devant Dieu, ce n’est pas vrai. Je sais tout, je vous conterai tout ; c’est pour moi seule qu’il s’est exposé à tous les malheurs qui l’ont frappé. Et s’il ne s’est pas disculpé devant la justice, c’est parce qu’il n’a pas voulu que je fusse mêlée à cette affaire. »

Et Marie raconta avec chaleur tout ce que le lecteur sait déjà.

La dame l’écoutait avec une attention profonde.

« Où vous êtes-vous logée ? » demanda-t-elle quand la jeune fille eut terminé son récit.

Et en apprenant que c’était chez Anna Vlassievna, elle ajouta avec un sourire :

« Ah ! je sais. Adieu ; ne parlez à personne de notre rencontre. J’espère que vous n’attendrez pas longtemps la réponse à votre lettre. »

À ces mots elle se leva et s’éloigna par une allée couverte. Marie Ivanovna retourna chez elle remplie d’une riante espérance.

Son hôtesse la gronda de sa promenade matinale, nuisible, disait-elle, pendant l’automne, à la santé d’une jeune fille. Elle apporta le samovar, et, devant, une tasse de thé, elle allait reprendre ses interminables propos sur la cour, lorsqu’une voiture armoriée