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annonça pompeusement qu’elle était la nièce d’un chauffeur de poêles attaché à la cour, et l’initia à tous les mystères du palais. Elle lui dit à quelle heure l’impératrice se levait, prenait le café, allait à la promenade ; quels grands seigneurs se trouvaient alors auprès de sa personne ; ce qu’elle avait daigné dire la veille à table ; qui elle recevait le soir ; en un mot, l’entretien d’Anna Vlassievna semblait une page arrachée aux mémoires du temps, et serait très précieuse de nos jours. Marie Ivanovna l’écoutait avec grande attention. Elles allèrent ensemble au jardin impérial, où Anna Vlassievna raconta à Marie l’histoire de chaque allée et de chaque petit pont. Toutes les doux regagnèrent ensuite la maison, enchantées l’une de l’autre.

Le lendemain, de très bonne heure, Marie s’habilla et retourna dans le jardin impérial. La matinée était superbe. Le soleil dorait de ses rayons les cimes des tilleuls qu’avait déjà jaunis la fraîche haleine de l’automne. Le large lac étincelait immobile. Les cygnes, qui venaient de s’éveiller, sortaient gravement des buissons du rivage. Marie Ivanovna se rendit au bord d’une charmante prairie où l’on venait d’ériger un monument en l’honneur des récentes victoires du comte Roumiantzieff. Tout à coup un petit chien de race anglaise courut à sa rencontre en aboyant. Marie s’arrêta effrayée. En ce moment résonna une agréable voix de femme.

« N’ayez point peur, dit-elle ; il ne vous mordra pas. »

Marie aperçut une dame assise sur un petit banc champêtre vis-à-vis du monument, et alla s’asseoir elle-même à l’autre bout du siège. La dame l’examinait avec attention, et, de son côté, après lui avoir jeté un regard à la dérobée, Marie put la voir à son aise. Elle était en peignoir blanc du matin,