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es-tu rempli comme un sac ? Ô mon Dieu ! jamais un pareil malheur n’était encore arrivé.

– Tais-toi, vieux hibou, lui répondis-je en bégayant ; je suis sûr que tu es ivre. Va dormir, … mais, avant, couche-moi. »

Le lendemain, je m’éveillai avec un grand mal de tète. Je me rappelais confusément les événements de la veille. Mes méditations furent interrompues par Savéliitch, qui entrait dans ma chambre avec une tasse de thé. « Tu commences de bonne heure à t’en donner, Piôtr Andréitch, me dit-il en branlant la tête. Eh ! de qui tiens-tu ? Il me semble que ni ton père ni ton grand-père n’étaient des ivrognes. Il n’y a pas à parler de ta mère, elle n’a rien daigné prendre dans sa bouche depuis sa naissance, excepté du kvass. À qui donc la faute ? au maudit moussié : il t’a appris de belles choses, ce fils de chien, et c’était bien la peine de faire d’un païen ton menin, comme si notre seigneur n’avait pas eu assez de ses propres gens ! » J’avais honte ; je me retournai et lui dis : « Va-t’en, Savéliitch, je ne veux pas de thé ». Mais il était difficile de calmer Savéliitch une fois qu’il s’était mis en train de sermonner. « Vois-tu, vois-tu, Piôtr Andréitch, ce que c’est que de faire des folies ? Tu as mal à la tête, tu ne veux rien prendre. Un homme qui s’enivre n’est bon à rien. Bois un peu de saumure de concombres avec du miel, ou bien un demi-verre d’eau-de-vie, pour te dégriser. Qu’en dis-tu ? »

Dans ce moment entra un petit garçon qui m’apportait un billet de la part de Zourine. Je le dépliai et lus ce qui suit :

« Cher Piôtr Andréitch, fais-moi le plaisir de m’envoyer, par mon garçon, les cent roubles que tu as perdus hier. J’ai horriblement besoin d’argent.

Ton dévoué,

« Ivan Zourine »