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Je ne fus pas témoin de tout ce qui me reste à apprendre au lecteur ; mais j’en ai entendu si souvent le récit, que les plus petites particularités en sont restées gravées dans ma mémoire, et qu’il me semble que j’y ai moi-même assisté.

Marie fut reçue par mes parents avec la bienveillance cordiale qui distinguait les gens d’autrefois. Dans cette occasion qui leur était offerte de donner asile à une pauvre orpheline, ils voyaient une grâce de Dieu. Bientôt ils s’attachèrent sincèrement à elle, car on ne pouvait la connaître sans l’aimer. Mon amour ne semblait plus une folie même à mon père, et ma mère ne rêvait plus que l’union de son Pétroucha à la fille du capitaine.

La nouvelle de mon arrestation frappa d’épouvante toute ma famille. Cependant, Marie avait raconté si naïvement à mes parents l’origine de mon étrange liaison avec Pougatcheff, que, non seulement ils ne s’en étaient pas inquiétés, mais que cela les avait fait rire de bon cœur. Mon père ne voulait pas croire que je pusse être mêlé dans une révolte infâme dont l’objet était le renversement du trône et l’extermination de la race des gentilshommes. Il fit subir à Savéliitch un sévère interrogatoire, dans lequel mon menin confessa que son maître avait été l’hôte de Pougatcheff, et que le scélérat, certes, s’était montré généreux à son égard. Mais en même temps il affirma, sous un serment solennel, que jamais il n’avait entendu parler d’aucune trahison. Les vieux parents se calmèrent un peu et attendirent avec impatience de meilleures nouvelles. Mais pour Marie, elle était très agitée, et ne se taisait que par modestie et par prudence.

Plusieurs semaines se passèrent ainsi. Tout à coup mon père reçoit de Pétersbourg une lettre de notre parent le prince B… Après les premiers compliments d’usage, il lui annonçait que les soupçons qui s’étaient élevés sur ma participation aux complots des rebelle ne s’étaient trouvés que trop fondés,