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de matières calcinées et des murailles sans fenêtres ni toitures. Voilà la trace que Pougatcheff y avait laissée. On m’amena à la forteresse, qui était restée, intacte, et les hussards mes gardiens me remirent entre les mains de l’officier de garde. Celui-ci fit appeler un maréchal ferrant qui me mit les fers aux pieds en les rivant à froid. De là, on me conduisit dans le bâtiment de la prison, où je restai seul dans un étroit et sombre cachot qui n’avait que les quatre murs et une petite lucarne garnie de barres de fer.

Un pareil début ne présageait rien de bon. Cependant je ne perdis ni mon courage ni l’espérance. J’eus recours à la consolation de tous ceux qui souffrent, et, après avoir goûté pour la première fois la douceur d’une prière élancée d’un cœur innocent et plein d’angoisses, je m’endormis paisiblement, sans penser à ce qui adviendrait de moi.

Le lendemain, le geôlier vint m’éveiller en m’annonçant que la commission me mandait devant elle. Deux soldats me conduisirent, à travers une cour, à la demeure du commandant, s’arrêtèrent dans l’antichambre et me laissèrent gagner seul les appartements intérieurs.

J’entrai dans un salon assez vaste. Derrière la table, couverte de papiers, se tenaient deux personnages, un général avancé en âge, d’un aspect froid et sévère, et un jeune officier aux gardes, ayant au plus une trentaine d’années, d’un extérieur agréable et dégagé ; près de la fenêtre, devant une autre table, était assis un secrétaire, la plume sur l’oreille et courbé sur le papier, prêt à inscrire mes dépositions.

L’interrogatoire commença. On me demanda mon nom et mon état. Le général s’informa si je n’étais pas le fils d’André Pétrovitch Grineff, et, sur ma réponse affirmative, il s’écria sévèrement : « C’est bien dommage qu’un homme si honorable ait un fils tellement