sombre. Nous nous approchâmes d’une petite ville où, d’après le commandant barbu, devait se trouver un fort détachement qui était en marche pour se réunir à l’usurpateur. Les sentinelles nous arrêtèrent, et au cri de : « Qui vive ? » notre postillon répondit à haute voix : « Le compère du tsar, qui voyage avec sa bourgeoise. »
Aussitôt un détachement de hussards russes nous entoura avec d’affreux jurements.
« Sors, compère du diable, me dit un maréchal des logis aux épaisses moustaches. Nous allons te mener au bain, toi et ta bourgeoise. »
Je sortis de la kibitka et demandai qu’on me conduisit devant l’autorité. En voyant un officier, les soldats cessèrent leurs imprécations, et le maréchal des logis me conduisit chez le major. Savéliitch me suivait en grommelant : « En voilà un, de compère du tsar ! nous tombons du feu dans la flamme. Ô Seigneur Dieu, comment cela finira-t-il ? »
La kibitka venait au pas derrière nous.
En cinq minutes, nous arrivâmes à une maisonnette très éclairée. Le maréchal des logis me laissa sous bonne garde, et entra pour annoncer sa capture. Il revint à l’instant même et me déclara que Sa Haute Seigneurie n’avait pas le temps de me recevoir, qu’elle lui avait donné l’ordre de me conduire en prison et de lui amener ma bourgeoise.
« Qu’est-ce que cela veut dire ? m’écriai-je furieux ; est-il devenu fou ?
– Je ne puis le savoir, Votre Seigneurie, répondit le maréchal des logis ; seulement Sa Haute Seigneurie a ordonné de conduire Votre Seigneurie en prison, et d’amener Sa Seigneurie à Sa Haute Seigneurie, Votre Seigneurie. »
Je m’élançai sur le perron ! les sentinelles n’eurent pas le