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autre, Athanase Sokoloff, surnommé Khlopoucha, était un criminel condamné aux mines de Sibérie, d’où il s’était évadé trois fois. Malgré les sentiments qui m’agitaient alors sans partage, cette société où j’étais jeté d’une manière si inattendue fit sur moi une profonde impression. Mais Pougatcheff me rappela bien vite à moi-même par ses questions.

« Parle ; pour quelles affaires as-tu quitté Orenbourg ? »

Une idée singulière me vint à l’esprit. Il me sembla que la Providence, en m’amenant une seconde fois devant Pougatcheff, me donnait par là l’occasion d’exécuter mon projet Je me décidai à la saisir, et sans réfléchir longtemps au parti que je prenais, je répondis à Pougatcheff :

« J’allais à la forteresse de Bélogorsk pour y délivrer une orpheline qu’on opprime. »

Les yeux de Pougatcheff s’allumèrent.

« Qui de mes gens oserait offenser une orpheline ? s’écria-t-il. Eût-il un front de sept pieds, il n’échapperait point à ma sentence. Parle, quel est le coupable ?

– Chvabrine, répondis-je ; il tient en esclavage la même jeune fille que tu as vue chez la femme du prêtre, et il veut la contraindre à devenir sa femme.

– Je vais lui donner une leçon, à Chvabrine, s’écria Pougatcheff d’un air farouche. Il apprendra ce que c’est que de faire chez moi à sa tête et d’opprimer mon peuple. Je le ferai pendre.

– Ordonne-moi de dire un mot, interrompit Khlopoucha d’une voix enrouée. Tu t’es trop hâté de donner à Chvabrine le commandement de la forteresse, et maintenant tu te hâtes trop de le pendre. Tu as déjà offensé les Cosaques en leur imposant un gentilhomme pour chef ; ne va donc pas offenser