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de pots en terre, tout était comme dans une autre isba. Pougatcheff se tenait assis sous les saintes images, en cafetan rouge et en haut bonnet, la main sur la hanche. Autour de lui étaient rangés plusieurs de ses principaux chefs avec une expression forcée de soumission et de respect. On voyait bien que la nouvelle de l’arrivée d’un officier d’Orenbourg avait éveillé une grande curiosité chez les rebelles, et qu’ils s’étaient préparés à me recevoir avec pompe. Pougatcheff me reconnut au premier coup d’œil. Sa feinte gravité disparut tout à coup.

« Ah ! c’est Votre Seigneurie ! me dit-il avec vivacité. Comment te portes-tu ? pourquoi Dieu t’amène-t-il ici ? »

Je répondis que je m’étais mis en voyage pour mes propres affaires, et que ses gens m’avaient arrêté.

« Et pour quelles affaires ? » demanda-t-il.

Je ne savais que répondre. Pougatcheff, s’imaginant que je ne voulais pas m’expliquer devant témoins, fit signe à ses camarades de sortir. Tous obéirent, à l’exception de deux qui ne bougèrent pas de leur place.

« Parle hardiment devant eux, dit Pougatcheff, ne leur cache rien. »

Je jetai un regard de travers sur ces deux confidents de l’usurpateur. L’un d’eux, petit vieillard chétif et courbé, avec une maigre barbe grise, n’avait rien de remarquable qu’un large ruban bleu passé en sautoir sur son cafetan de gros drap gris. Mais je n’oublierai jamais son compagnon. Il était de haute taille, de puissante carrure, et semblait avoir quarante-cinq ans. Une épaisse barbe rousse, des yeux gris et perçants, un nez sans narines et des marques de fer rouge sur le front et sur les joues donnaient à son large visage couturé de petite vérole une étrange et indéfinissable expression. Il avait une chemise rouge, une robe kirghise et de larges pantalons cosaques. Le premier, comme je le sus plus tard, était le caporal déserteur Béloborodoff. L’