Plusieurs jours après ce fameux conseil de guerre, Pougatcheff, fidèle à sa promesse, s’approcha d’Orenbourg. Du haut des murailles de la ville, je pris connaissance de l’armée des rebelles. Il me sembla que leur nombre avait décuplé depuis le dernier assaut dont j’avais été témoin. Ils avaient aussi de l’artillerie enlevée dans les petites forteresses conquises par Pougatcheff. En me rappelant la décision du conseil, je prévis une longue captivité dans les murs d’Orenbourg, et j’étais prêt à pleurer de dépit.
Loin de moi l’intention de décrire le siège d’Orenbourg, qui appartient à l’histoire et non à des mémoires de famille. Je dirai donc en peu de mots que, par suite des mauvaises dispositions de l’autorité, ce siège fut désastreux pour les habitants, qui eurent à souffrir la faim et les privations de tous genres. La vie à Orenbourg devenait insupportable ; chacun attendait avec angoisse la décision de la destinée. Tous se plaignaient de la disette, qui était affreuse. Les habitants finirent par s’habituer aux bombes qui tombaient sur leurs maisons. Les assauts mêmes de Pougatcheff n’excitait plus une grande émotion. Je mourais d’ennui. Le temps passait lentement. Je ne pouvais recevoir aucune lettre de Bélogorsk, car toutes les routes étaient coupées, et la séparation d’avec Marie me devenait insupportable. Mon seul passe-temps consistait à faire des promenades militaires.
Grâce à Pougatcheff, j’avais un assez bon cheval, avec lequel je partageais ma maigre pitance. Je sortais tous les jours hors du rempart, et j’allais tirailler contre les éclaireurs de Pougatcheff. Dans ces espèces d’escarmouches, l’avantage restait d’ordinaire aux rebelles, qui avaient de quoi vivre abondamment, et d’excellentes montures. Notre maigre cavalerie n’était pas en état de leur tenir tête. Quelquefois notre infanterie affamée se mettait aussi en campagne ; mais la profondeur de la neige l’empêchait d’agir avec