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tes garçons ont bien fouillé et bien volé ; il faut en convenir. Ne te fâche pas ; le cheval à quatre jambes, et pourtant il bronche. Ordonne de lire jusqu’au bout.

– Voyons, lis. »

Le secrétaire continua :

« Une couverture en perse, une autre en taffetas ouaté : quatre roubles.

« Une pelisse en peau de renard, couverte de ratine rouge : quarante roubles.

« Et encore un petit touloup en peau de lièvre, dont on a fait abandon à Ta Grâce dans le gîte de la steppe : quinze roubles.

– Qu’est-ce que cela ? » s’écria Pougatcheff dont les yeux étincelèrent tout à coup.

J’avoue que j’eus peur pour mon pauvre menin. Il allait s’embarquer dans de nouvelles explications, lorsque Pougatcheff l’interrompit.

« Comment as-tu bien osé m’importuner de pareilles sottises ? s’écria-t-il en arrachant le papier des mains du secrétaire, et en le jetant au nez de Savéliitch. Sot vieillard ! On vous a dépouillés, grand malheur ! Mais tu dois, vieux hibou, éternellement prier Dieu pour moi et mes garçons, de ce que toi et ton maître vous ne pendez pas là-haut avec les autres rebelles… Un touloup en peau de lièvre ! je te donnerai un touloup en peau de lièvre ! Mais sais-tu bien que je te ferai écorcher vif pour qu’on fasse des touloups de ta peau.

– Comme il te plaira, répondit Savéliitch ; mais je ne suis pas un homme libre, et je dois répondre du bien de mon seigneur. »

Pougatcheff était apparemment dans un accès de grandeur d’âme. Il détourna la tête, et partit sans dire un mot. Chvabrine et les chefs le suivirent. Toute la troupe sortit en bon ordre