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asile pour une rencontre, et partout, oui, partout, ton tentateur se tient à tes côtés.


En proie aux langueurs de l’amour, elle s’enfonce dans le jardin pour donner un libre cours à ses larmes. Tout-à-coup son regard devient fixe, il lui faut un effort pour faire un pas de plus ; son sein palpite, ses joues se couvrent d’une subite rougeur, sa respiration devient haletante, ses oreilles bourdonnent, un éclair passe devant ses yeux… La nuit vient, la lune commence sa marche dans la voûte azurée, et au milieu des forêts plongées dans les vapeurs du soir, le rossignol commence aussi ses chants mélodieux. Tatiana ne dort pas : elle veille malgré la nuit sombre, et cause doucement avec sa vieille bonne.


« Je ne puis dormir, ma bonne ; l’air est si chaud ici ! Ouvre la fenêtre, et assieds-toi près de moi.

— Ma Tania,[1] qu’as-tu donc !

— Je suis triste !… Parle-moi de ton jeune âge.

— De quoi, Tania ? Jadis je connaissais beaucoup d’histoires, beaucoup de contes qui parlaient des

  1. Diminutif de Tatiana.