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Quel charme elle trouve dans la lecture des romans ! avec quel bonheur elle se nourrit des fictions sentimentales ! L’amant de Julie Wolmar, Maleck-Adhel et Linar ; Werther, ce rebelle martyr, et Grandisson, cet homme incomparable qui nous porte au sommeil, tous revêtirent aux yeux de la rêveuse jeune fille, une seule et même forme, tous s’identifièrent à Onéguine.


Se croyant l’héroïne de ses ouvrages bien-aimés, Clarisse, Julie ou Delphine, Tatiana erre dans les bois avec ce livre, aliment du feu qui la dévore et où elle retrouve les rêves ardents de son propre cœur. Elle soupire, elle souffre de la souffrance des héros de son dangereux roman, elle s’identifie avec eux et répète les phrases d’une lettre pour son ami.

— Mais cet ami ne ressemble guère à Grandisson.


Autrefois, l’auteur d’un roman nous dépeignait dans un style grave et châtié, un héros modèle de perfection, qui, toujours persécuté injustement, était doué d’une âme sensible, d’un esprit élevé et d’un beau visage ; sa passion était ardente et pure, il était prêt à tous les sacrifices. À la dernière