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De bonne heure elle aima les romans, et cette lecture lui tint lieu de tout. Elle s’éprit des brillantes fictions de Richardson et de Rousseau. Son père, homme excellent d’ailleurs, était arriéré d’un siècle et il ne soupçonnait même pas le mal qu’un livre pouvait faire, car il n’en avait jamais lu. Il les regardait comme un simple délassement, et ne se préoccupait nullement du volume mystérieux qui dormait jusqu’au matin sous l’oreiller de sa fille : quant à sa femme, elle était folle elle-même de Richardson.


Elle aimait Richardson, — ce n’est pas qu’elle l’eût jamais ouvert, ce n’est pas qu’elle préférât Grandisson à Lovelace ; mais la princesse Alina, sa cousine de Moscou, en parlait souvent devant elle, — c’en était assez. Dans ce temps, son mari n’était encore que son fiancé, et elle soupirait après un autre personnage dont le cœur et l’esprit lui plaisaient beaucoup mieux. Cet autre Grandisson était sergent aux gardes, petit-maître achevé et joueur effréné.


Comme lui du reste, elle choisissait toujours la toilette à la dernière mode, et qui faisait le mieux ressortir ses attraits.