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plus à la mode, il sent le vieux temps et la chambre des servantes. Ah ! que nous montrons peu de goût dans le choix des noms, (sans parler des vers !) La civilisation ne nous va pas, elle ne nous apporte que l’afféterie, rien de plus.


Ainsi donc elle se nommait Tatiana. Elle n’avait ni la fraîcheur vermeille, ni la beauté de sa sœur. Sauvage, triste et silencieuse, craintive comme la biche des forêts, elle semblait une étrangère au sein même de sa famille. Elle ignorait l’art de s’attirer les caresses de ses parents, et jamais elle ne prenait part aux jeux bruyants de ses petites compagnes. Bien souvent, elle passait des journées entières, assise près de la fenêtre dans le plus complet silence.


Le rêve ! depuis le berceau il ne l’avait pas quittée, il avait vécu avec elle, et il répandait sur sa vie champêtre et inactive le charme de ses illusions. Jamais Tatiana ne tenait l’aiguille dans ses doigts délicats ; jamais, penchée sur le métier, elle n’animait la toile des riches couleurs de la soie. L’enfant, lorsqu’il joue avec sa poupée et lui répète gravement les leçons de sa mère, se prépare