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les maisons comme un gendre futur, car tel est l’usage dans les campagnes. — Bientôt toutes les jeunes filles furent destinées à ce jeune russe, plus qu’à demi-étranger par ses goûts et ses études.

Entrait-il ? de suite la conversation était habilement dirigée sur les ennuis de la vie de garçon. On lui faisait prendre place auprès du samavar[1] ; la jeune Eudoxie faisait le thé, et la mère à chaque instant disait : « Dounia[2], prends garde ! » Enfin on apportait la guitare, et Eudoxie commençait à chanter d’une voix glapissante : « Viens dans mon château d’or, ô mon bien-aimé, etc. »[3]

Mais Lensky ne se souciait pas encore de porter le joug de l’hyménée.

Il souhaitait vivement entrer dans l’intimité d’Eugène et il parvint enfin à lier connaissance. Les vagues et le rocher, les vers et la prose, la glace et la flamme ont plus de rapports que n’en

  1. Ce mot est peut-être assez connu pour ne pas nécessiter une explication ; cependant plusieurs lecteurs ont-ils besoin de savoir que le samavar est un vase de cuivre ou l’eau est mise en ébullition au moyen d’un fourneau intérieur. Tous les Russes, riches et pauvres, possèdent un samavar pour faire le thé, ce besoin des peuples du Nord.
  2. Dounia est le diminutif familier d’Eudoxie.
  3. Premiers mots de la romance la Nymphe du Don.