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Il célébrait l’amour, et ses hymnes avaient l’innocence des pensées d’une jeune vierge et des songes d’un enfant ; ils avaient la transparence et la limpidité de tes rayons, pâle Déesse du mystère et des tendres soupirs, lorsque tu brilles solitaire au milieu d’un ciel serein. Il chantait la séparation, les peines de l’éloignement, les roses de l’amour, et les contrées lointaines où bien souvent des larmes brûlantes avaient attristé ses jours retirés. À peine dix-huit années avaient passé sur sa tête, et il chantait déjà plus d’une fleur flétrie.


Au fond de ce désert, Eugène Onéguine était seul capable d’apprécier la nature de Lensky. Aussi ce dernier ne trouvait-il qu’ennui et fatigue dans les fêtes des seigneurs du voisinage. Il fuyait leurs réunions bruyantes et leurs conversations posées et rassises, sur les foins, les vins, la vénerie ou leur famille, éternels sujets qui certes ne brillaient ni par le sentiment ni par la poésie, ni par les saillies spirituelles, ni par le bon ton et l’élégance. Quant aux femmes, leur conversation n’arrivait même pas à ce niveau.


Riche et beau, Lensky fut accueilli dans toutes