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flacons remplis de jus de pommes, et le calendrier de 1808, seule lecture du vieillard, trop occupé pour ouvrir d’autres livres.


Eugène vivait solitaire et isolé au fond de ses propriétés. Pour passer le temps, il songea à faire des réformes : il diminua la redevance de ses paysans. Les paysans bénirent le ciel, mais l’un des gentilshommes voisins, prudent et intéressé, vit un grand mal dans cette mesure et cessa d’en voir l’auteur. Un autre sourit malicieusement ; enfin l’opinion générale fut qu’Eugène était un innovateur dangereux.


Avant cet événement, tout le monde allait le voir. Mais il avait l’habitude, dès qu’une voiture paraissait sur la grande route, de faire avancer à la porte qui s’ouvrait sur le bois, son coursier du Don. Ce procédé blessa et fit cesser avec lui tout rapport amical. « Notre voisin est un mal-appris, un insensé, un fanfaron ; il boit du vin rouge par grands verres[1], il ne baise jamais la main des

  1. Il est dans les mœurs russes de boire très-peu de vin. Boire du vin par grands verres décèle une origine étrangère ; voilà la raison de cette remarque.