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la tempête, luttant contre les flots, quand donc verrai-je l’Océan m’ouvrir un libre passage ! Quand donc me sera-t-il donné de commencer ma route tant désirée ?… Il est temps d’abandonner les bords de l’élément inhospitalier, et de gagner les sables mouvants, le ciel embrasé de mon Afrique[1], et là, de songer en soupirant à la froide Russie où j’ai souffert, où j’ai aimé, où j’ai enseveli mon cœur !


Eugène était tout prêt à visiter avec moi les contrées étrangères ; mais bientôt le destin nous sépara pour longtemps. Son père vint à mourir, et l’essaim des créanciers avides fondit sur mon ami. Chacun d’eux était sûr de ses droits. Comme le jeune homme n’aimait pas les procès et se trouvait content de son sort, il leur abandonna l’héritage ; peut-être croyait-il n’y pas perdre beaucoup, peut-être prévoyait-il que son vieil oncle ne vivrait pas longtemps.


En effet, voilà que l’intendant lui écrit tout-à-

  1. On sait que la famille maternelle du poète était originaire d’Afrique.