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lorsque, assis près d’un feu clair, il fredonnait Benedetta ou Idol mio, et laissait glisser dans la cheminée, tantôt sa pantoufle, tantôt son journal !


Les jours passent ; l’atmosphère réchauffée met déjà l’hiver en fuite. Mon Eugène n’a été visité par aucun démon poétique, il n’est point mort, il n’est pas même devenu fou ! mais il a senti ses forces revenir avec la tiède haleine du printemps. Par une belle matinée, il quitta pour la première fois les chambres où il avait passé l’hiver enfermé comme une marmotte, entre son foyer et ses doubles croisées, et il se fit conduire en traîneau sur les bords de la Néva. Le soleil se jouait sur la glace bleuâtre et déjà fendue çà et là ; dans les rues, la neige souillée et à demi fondue se changeait en boue.

Mais où donc va-t-il, Eugène ?…


Vous l’avez déjà deviné, n’est-ce pas ? Il va chez elle, chez sa Tatiana, mon incorrigible original.

Il entre, semblable à un cadavre. Dans l’antichambre, personne. Il traverse le salon, encore personne. Il ouvre une porte… Pourquoi donc semble-t-il éperdu ? La princesse est assise devant