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parent et son ami. La princesse lève les yeux et regarde… Elle est étonnée, saisie : mais sa volonté triomphe, et c’est avec sa réserve habituelle qu’elle salue Onéguine.


Elle ne laissa voir aucun trouble, aucune émotion. Elle ne devint ni pâle ni rouge. Le frémissement le plus imperceptible ne vint pas plisser ses lèvres, et, malgré une observation attentive, Onéguine ne put rien retrouver de l’ancienne Tatiana. Il voulut parler : la voix expira sur ses lèvres. Alors elle lui demanda s’il était depuis longtemps à Saint-Pétersbourg, d’où il venait, s’il n’arrivait pas de leur province ?… Puis, ses regards fatigués se portèrent sur son mari ; elle disparut, le laissant immobile et interdit.


Est-ce bien cette même Tatiana à laquelle, dans une contrée lointaine, nous l’avons vu donner une leçon de morale ? Est-ce vraiment celle qui a écrit la lettre où s’est dévoilé un cœur d’enfant ? Est-ce bien cette petite fille ; ou plutôt n’est-ce pas un rêve ?… Celle qu’avec tant de flegme il dédaigna jadis, peut-elle être devenue, dans ce court espace de temps, si indifférente et si forte ?