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barrassé à cinquante de toutes ses dettes, et, parvenu tour à tour à la gloire, à la fortune, aux honneurs, a toujours entendu porter de lui ce témoignage : « N… est un homme parfait ! »


Mais aussi il est triste de penser que la jeunesse nous fut donnée en vain, que nous lui avons été infidèle à toute heure, que nous l’avons méconnue, tandis que nos meilleurs désirs et nos plus fraîches illusions sont tombés rapidement l’un après l’autre, comme les feuilles d’automne. Oui, il est pénible de ne plus rien voir devant soi dans la vie qu’une longue file de dîners, de regarder l’existence comme une cérémonie, et de suivre la foule dont on ne peut partager ni les sentiments ni les opinions.


Il faut convenir qu’il est dur, pour avoir été en butte à la critique et aux jugements du monde, de passer aux yeux d’hommes raisonnables et sensés, pour un prétentieux original, pour un triste fou ou pour un démon.

Onéguine (je reviens à lui), après avoir tué son ami en duel et vécu sans but comme sans peine jusqu’à vingt-six ans, languissait encore dans une