la dominaient lui rendirent toute lecture impossible,
puis, entraînée par le choix étrange des volumes,
elle se mit à lire et son âme vit les horizons d’un
monde nouveau s’ouvrir devant elle.
Quoique (comme nous le savons déjà) Eugène
eût abandonné depuis longtemps sa bibliothèque,
il avait conservé cependant quelques ouvrages.
C’étaient le chantre du Giaour et de don Juan,
et deux ou trois romans, peinture fidèle de notre
siècle et de l’homme de nos jours, avec son âme
sans principes, sa sécheresse de cœur, son égoïsme,
son esprit chimérique, irritable et frivole.
Beaucoup de pages portaient des marques d’ongle
et attiraient son attention. Elle remarquait avec
émotion les pensées qui avaient frappé Onéguine
et les passages qu’il avait semblé approuver par
son silence. À toutes les pages elle rencontrait les
traces de son crayon ; partout l’âme d’Onéguine se
dévoilait tantôt par un mot bref, tantôt par une
croix, tantôt par un point d’interrogation.
Ma Tatiana commence à connaître mieux celui pour lequel le destin la condamne à soupirer en