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pleins de charme que tu m’as donnés ! Merci pour le bruit, les tempêtes, les festins : pour tous, pour tous tes dons ! Par toi, au milieu des troubles et du calme, j’ai goûté de véritables délices. C’est assez ! aujourd’hui j’entre dans une voie nouvelle, avec une âme sereine et résignée : le temps est venu de me reposer du passé !


Je reviens encore jeter un regard en arrière. Adieu donc, forêts qui couvriez de votre ombre les passions, l’oisiveté, les rêves de mon âme mélancolique ! — Et toi, souffle de l’inspiration, viens faire sortir ma pensée et mon cœur de ce sommeil qui va les accabler ! Visite quelquefois ma demeure. Ne laisse pas refroidir l’âme du poète ; ne la laisse pas s’endurcir et se pétrifier dans l’ivresse mortelle du monde, parmi les orgueilleux égoïstes et les sots importants.


Qu’au milieu d’enfants astucieux, lâches et gâtés ; qu’au milieu de scélérats ridicules et ennuyeux, de juges stupides et tracassiers, de coquettes dévotes et d’esclaves volontaires, je ne perde pas ma sérénité ! Que je ne me ressente pas de tout ce qui se passe sur la scène du monde : ni des caresses d’une