avec plaisir, aussi, fut-ce sans aucune surprise
qu’Eugène vit, le lendemain de la soirée chez les
Larine, son voisin entrer chez lui. Zaretsky, après
les premières politesses, interrompt la conversation
commencée et, regardant Onéguine en souriant,
il lui remet un billet du poète. Notre héros s’approche
de la fenêtre et lit tout bas.
C’était tout simplement un noble, un laconique
défi : un cartel ! deux lignes polies et froides par
lesquelles Lensky provoquait son ami en duel. —
Onéguine, dans son premier mouvement, se tourne
vers le porteur du billet et lui dit sans autre préambule,
qu’il est toujours prêt. Zaretsky se lève aussitôt,
prétextant ses occupations, et sort. Eugène,
resté seul avec sa conscience, était mécontent de
lui-même.
Ce secret tribunal lui reprochait bien des choses. D’abord, il était coupable d’avoir, la veille, raillé avec tant de légèreté un amour naïf et sincère. Et puis, que le poète Lensky fasse des folies, il a son excuse dans ses dix-huit ans ; mais Eugène, qui l’aime de tout son cœur, devrait lui prouver qu’il est au-dessus des préjugés, qu’il sait dominer sa