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il avait fait la figure d’un sot et ne s’était pas tiré d’affaires avec honneur. Quoi qu’il en soit, on peut dire qu’il savait se disputer gaîment, faire des réparties spirituelles, quelquefois étonner par sa bêtise feinte et exagérée, se taire à propos, se quereller à propos, brouiller ensemble de jeunes amis et les conduire ensuite sur le terrain,


ou bien les forcer à se réconcilier pour faire un bon déjeuner à trois, quitte à les diffamer partout avec une fine raillerie ou un mensonge. Sed alia tempora ! L’audace effrontée, comme le songe de l’amour (autre polissonnerie), passe avec la vivacité de la jeunesse. Comme je vous l’ai déjà annoncé, mon Zaretsky s’est retiré du monde, et, sous l’ombrage des pruniers et des acacias, mène maintenant la vie d’un véritable philosophe. Il plante des choux, comme Horace, il élève des canards et des oies, et il enseigne l’alphabet à ses enfants.


Il n’était pas sot, et Eugène, tout en ne faisant pas grande estime de son cœur, appréciait son esprit, ses jugements, et la manière dont il envisageait beaucoup de choses de ce bas-monde. Il n’y avait pas longtemps encore qu’ils s’étaient entrevus