Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Vous m’avez écrit… Pourquoi sembler le désavouer ?… Vous avez versé votre âme dans la mienne ; j’ai reçu l’aveu de votre amour… Votre sincérité ingénue m’a touché, et vous avez réveillé en moi des sentiments qui dormaient depuis longtemps. Mais je ne veux pas vous flatter d’un trompeur espoir. J’imiterai votre franchise : je vous dirai tout et je ferai ce que vous ordonnerez vous-même.


» Si je pouvais goûter les joies du foyer, si le destin me réservait le titre de père ou d’époux, si mon regard s’arrêtait un seul instant sur l’image de la famille, — jamais, jamais je ne songerais à une autre que vous. Je vous choisirais pour l’unique compagne de mes tristes jours, car, il faut que vous le sachiez, je trouve en vous la réalisation de mon premier idéal ; vous m’êtes comme le type sacré de tout ce qui est beau, et je sens que je serais heureux… autant que je puis l’être !


» Mais je ne suis pas né pour le bonheur : mon âme lui a toujours été étrangère. Toutes les qualités que je découvre en vous sont donc inutiles, et d’ailleurs j’en suis tout-à-fait indigne.