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illuminera de ses rayons. Dans les affaires d’État, je suis un mauvais juge, mais j’oserai cependant, mon Tsar, parler franchement. Ce fils du mal, ce défroqué maudit s’est imposé au peuple comme le tsarewitch, et de ce nom volé il se recouvre comme d’un vêtement qu’il aurait dérobé ; il faut l’en dépouiller, afin de le confondre ; lui-même, devant sa nudité, sera saisi de honte. Or Dieu nous en inspire le moyen. Ô Tsar, sache qu’il y a bientôt six ans, — la même année que tu montas sur le trône, — un soir, je vis venir chez moi un humble berger déjà vieux, qui me confia cette mystérieuse histoire : « Depuis l’enfance, dit-il, j’avais perdu la vue, et jusqu’à mes vieux jours je n’avais jamais vu la lumière. C’est vainement que je m’étais soigné, que j’avais eu recours aux sorciers, que j’avais imploré une aide miraculeuse, en me rendant à toutes les sources sacrées pour y baigner mes yeux : je ne guérissais pas. J’avais depuis longtemps perdu tout espoir ; peu à peu, je m’habituais à l’ombre éternelle, lorsqu’en rêve, une nuit, j’entendis une voix d’enfant qui me disait : « Lève-toi, grand-père, et va à Ouglitch, à l’église de la Transfiguration, et là, fais une prière sur mon petit tombeau. Dieu est bon et je t’aiderai. — Mais