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Au milieu d’une terre « labourable unye et plaine, la plus belle qui soye possible de veoyr », coule le Saint-Laurent, « grand, large et spacieulx », coupé d’« ung sault d’eaux impétueulx » — le rapide de LaChine, — au sud, à une vingtaine de lieues, trois montagnes — aujourd’hui celles de Belœil, de Rougemont et de Saint-Bruno, — arrondissent dans la lumière fluide leurs sommets boisés en plénitude. Un tableau qu’on eut dit, au temps moderne, brossé à la Gustave Doré…

Bientôt, le crépuscule va s’étendre sur toute cette nature primitive. Des lambeaux de pourpre flottent pêle-mêle au bas du ciel et, sous leur éclat, le fleuve étincelle comme une coulée d’argent. Tout est lourd, pesant, à force d’arbres, à force de silence.

Ici, sur ce sol vierge d’Amérique, la Nature n’a pas l’orgueil de sa beauté parce qu’elle possède la certitude de la tenir d’une volonté surnaturelle qui la dépasse.

En bas de la Montagne se tasse, au milieu de champs de mil, la « ville d’Hochelaga », toute ronde, close de palissades à triple rang de forme pyramidale, avec des couches de bois superposées « bien joings et couzus à leur mode ». On peut voir, le long de ces primitifs remparts courir des chemins de ronde. On n’aperçoit qu’une seule porte fermée par des barres et donnant ac-