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vieil ami que nous accablons de salutations enthousiastes.

Et notre « verchères » est aussitôt poussée sur le flot. Un instant, il me parut que nous flottons sur un banc de brume nocturne, profond, sans limites, environné de silence. Nos rames se levaient et retombaient dans un faible friselis, et la chaloupe de sa proue divisait l’eau avec un murmure si doux qu’il semblait comme l’écho lointain du silence. Autour du lac, la forêt et les collines paraissaient se déplacer en tâtonnant dans l’ombre et le lac ne semblait avoir gardé du tumulte de la journée qu’un tout faible grelottement sur ses bords. Quelque part, sur la berge que nous venions de quitter, le cri d’un huard, comme un roucoulement humide, suivi d’autres sur toute la circonférence du lac. On eût dit que cela sortait du sein des eaux. En avant de nous, derrière, à nos côtés, de soudains glou-glous d’eau : des poissons qui viennent à la surface happer une gorgée d’air…

J’emplis mes yeux de la beauté et de la grandeur du spectacle que la lumière stellaire rend comme irréelle. Et, dans ce petit coin laurentien, je me figure contempler toute la vallée de l’Outaouais moyen ; cette vallée sans limites du Témiscamingue et ces plaines immesurables de l’Abitibi avec la dentelle harmonieuse de leurs monts et de leurs collines. Quels rêves suscitent l’orographie et l’hydrographie d’un pays ! De