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— Mais tu vois, Coignac, le temps qu’il fait. Un déluge !…

— Oui, mais demain, il fera beau.

— Les sauvages te l’ont dit ?…

— Oui, ils m’ont dit qu’il neigerait.

— C’est guère mieux, Coignac.

— Moi, j’aime mieux la neige que cette pluie du diable…

Il pleuvait depuis trois jours. L’eau du ciel noyait toute la vallée de l’Outaouais. C’était une drôle de pluie. Elle dégringolait sur le sol, sur l’eau, giclait puis tournait sur elle-même en coléreux tourbillons.

Les hommes de l’expédition du Chevalier Pierre de Troyes qui remontaient la rivière des Outaouais, en route pour la Baie d’Hudson, sous cette pluie endiablée, avaient toutes les peines du monde à portager aux rapides de la rivière. Quand ils s’arrêtaient, ils avaient aussitôt de l’eau jusqu’aux mollets, et les cascades, en giffles cinglantes, claquaient leurs épaules. Quand ils marchaient, ils avançaient en baissant la tête pour protéger leur face, et leur bouche s’emplissait, à chaque ahan, d’une eau glacée. Ils ruisselaient, les épaules renfoncées et les cheveux dans le cou. Ils enfonçaient à tout instant dans des flaques de neige fondante. Leurs bottes gargouillaient et, à chaque pas qu’ils faisaient, laissaient entendre de grands bruits