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finissait par deviner, au milieu de l’ombre dense de la brousse, des murailles abruptes de rochers… Au seuil de ces dénivellations, on se plaisait à imaginer des colons se dispersant çà et là, munis de haches, d’un paqueton de farine et de lard salé, étudiant le terrain, tâchant de deviner sous ses plaies, à travers le fouillis des ferdoches et l’eau des marécages, ce qu’il pourrait bien, plus tard, fournir en « graines de pain »…

Et le canot glissait toujours, silencieusement.

Les spectacles, de chaque côté de la rivière, apparemment uniformes, sont sans cesse inattendus, forcent l’attention ; et le moindre détail revêt un caractère saisissant. Au loin, tant que la vue peut porter, quand la rivière file droite, l’horizon s’estompe dans une impression poétique entraînant l’imagination sur la pente de la rêverie. C’est ainsi qu’on voit défiler, embuées, de hautes croupes au profil arrondi en dôme, boisées, masses sombres où la lumière, comme en se jouant, imprime des traces d’un vert plus clair, légèrement cendré…

On était dans l’été de 1911, au mois d’août.

Trois hommes montaient le canot : Maurice Bénard et les frères Philippe et Sylvain Boissonnault. Trois rudes gaillards bien plantés, lestes d’allure dans leur équipement de voyageurs-forestiers ; les manches de leurs chemises, relevées, on eût dit de leurs biceps des paquets de