Page:Potvin - Sous le signe du quartz, 1940.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 120 —

tre les grandes rivières, se reconnaîtraient-ils. Ce paysage général n’aurait guère changé. Ce sont toujours les mêmes lacs aux eaux limpides, les mêmes forêts de sapins et d’épinettes, les mêmes rivières cascadantes et les mêmes ruisseaux jaseurs ; les mêmes rochers, les mêmes vallons, les mêmes animaux, les mêmes plantes et les mêmes fleurs. Du haut des collines, ils verraient se dérouler la même mer moutonnante de verdure variée, ondulant vers le nord immense. Et, au-dessus de leur tête, par les beaux soirs d’été, ils verraient la Croix du Sud tourner dans le ciel profond, indifférente et éternelle.

Mais tout de même, en certains endroits, malgré l’éternité du paysage, à mesure que marche le temps, changent tout de même certains aspects de la sauvagerie ; et l’on voit aujourd’hui la grande forêt naguère habitée qui séparait l’Outaouais Supérieur du pays abitibien traversée par cette grande route Senneterre-Maniwaki et Mont-Laurier, déversant tout le long de ces lacets le pittoresque flux des voix et des muscles des civilisations de l’est ; des rires et des chants, de la vie et de la richesse. Là, comme ailleurs, l’histoire moderne avait été comme écrite d’avance par le destin qui depuis trois siècles presque la rédigeait en faveur de la survivance des plus aptes ; histoire, ancienne et moderne, tour à tour d’abondance et de famine,