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phonie intense, basse, profonde et vibrante. Ce chant montait, semblait dépasser les cimes des pins et retombait en sourdine pour reprendre bientôt, tumultueux, cette fois, et exaspéré à mesure que la brise nocturne qui venait de la rivière Ottawa apportait encore, en bruits vagues, les clameurs du rapide.

Comme un vol de corneilles, la nuit s’abattit lourdement sur le bois de pins. Des souffles doux venant du côté de la rivière agitaient les branchilles sèches et bruissantes des résineux. Du haut du talus, à travers la dentelle des troncs et des ramures, nous apercevions comme très loin le Rapide qui prenait dans le lointain clair-obscur des tons d’argent et de lait. La lune ne devait pas être éloignée de l’horizon car une grande clarté s’étendait à l’orient, faisant pâlir les étoiles. Bientôt, en effet, vers le haut de la rivière, ce fut un flot de lueurs blanches détachant nettement les dentelures de la forêt et des rochers. Dans la paix de la nuit, bercée, en bas, par les grondements sourds de l’eau, l’astre apparut comme un globe au-dessus du bois. Il semblait monter vite dans le ciel très pur ; et sa course semblait comme lui communiquer la beauté de la vie. Il prenait toutes les formes à travers les arbres et, comme une jonchée d’étoiles, il laissait tomber à travers le rapide une colonne de clarté qui se mettait à jouer, à trembler, à se heurter, selon la pureté de la surface