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Mais si cette pensée, en certains moments, le ravissait, elle l’effrayait, en même temps. Il était trop raisonnable pour ne pas se rendre compte, en ses bons moments, de sa situation, sans comprendre le danger de sa folie.

Songez que pour en réaliser la plus petite partie, il lui avait fallu abandonner un père qui commençait à se faire vieux et faible, qui devait désormais travailler seul la terre, celle qui serait devenue sienne plus tard ; qu’il lui avait fallu aussi s’échapper des bras déjà faiblissants d’une mère dont la bonté et la tendresse, à chaque instant de sa vie, avaient jalousement veillé sur sa jeune âme ; abandonner enfin une petite amie qu’il faisait cruellement souffrir dans son amour et dans la tendre et bonne affection qu’elle avait toujours vouée à son capricieux petit voisin.

Et pourquoi tous ces abandons ; pourquoi cette fuite de tant de caressantes réalités ? Pour un rêve, pour une illusion qu’il allait accrocher à la première ronce du chemin.

Et qu’allait-il faire à présent ? Qu’importe pour le moment cette question trop importune qui trouble les premiers instants de cette si douce liberté. Sans doute il allait travailler, plus tard, quand il sera là-bas, où l’appelle son rêve ; le travail se suffit à lui-même. Avec le courage, il vient à bout de tout. Il travaillera donc, le jour et la