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et la Bleue, qui se souciaient fort peu du futur manteau de fourrure, de Paul et de son prochain départ, qui auraient même préféré une touffe d’herbe fine et grasse, continuaient mélancoliquement de mâchonner leur éternelle chique.

Et Jeanne, plus triste, continua sa chanson :

Un jour, triste et pensif.
Assis aux bords des flots.
Au courant fugitif…
………………

— « Il adressait ces mots », continua, derrière elle, une voix mâle et forte.

— Oh !… c’est toi Paul, tu m’as fait peur.

C’était Paul, on l’a deviné, le jeune homme qui rêvassait tout-à-l’heure à la fenêtre de la ferme. Il avait suivi avec émotion le manège de la vaillante fille, depuis sa sortie de la maison, et il n’avait pu résister à l’envie d’aller la rejoindre : cela lui remettrait les idées et dissiperait les fâcheux effets d’une nuit d’insomnie.

— Déjà à l’ouvrage, Jeanne, comme tu es matinale et vaillante !

— Il le faut bien : tiens, regarde : deux, quatre, six, huit… huit vaches à traire, seule ; et je n’ai qu’une toute petite demi-heure… la voiture de la fromagerie va passer dans un instant ; et, ce matin, c’est le grand Pierre qui passe, et, tu sais, le grand