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voilà l’hiver qui va bientôt nous arriver, les fromageries vont fermer leurs portes, et il nous faut retirer encore une bonne paye, une bonne… Savez-vous bien que papa m’a promis, si la saison était bonne, qu’il m’achèterait, pour mes étrennes, un joli manteau de fourrure, bien doux et bien chaud ; oh ! le joli manteau… ce sera, en même temps, mon cadeau de noce, ou plutôt, de fiançailles, car nous devons nous marier, Paul et moi, au printemps seulement… à moins qu’il ait encore l’idée de partir, ce grand bêta de Paul… en a-t-il un air depuis quelque temps : seul, rêveur, taciturne, pas un sourire, lui si jovial jadis ; jamais plus un de ces bons mots qui me faisaient tant rire… Toujours ces idées de départ dans la tête ; pauvre Paul, et c’est que je l’aime… sûrement qu’il resterait toujours, toujours, s’il savait combien je l’aime !… Quant à mon manteau de fourrure, je ne le mettrai que le dimanche, quand il fera bien beau et que nous sortirons ensemble, Paul et moi… mais s’il doit partir, lui, oh ! ce qu’il me fait souffrir ce Paul, avec ces idées-là…

Et pendant que la jeune fille monologuait de la sorte, ses mains allaient d’un trayon à l’autre, faisant jaillir à filets pressés, le lait blanc et crémeux dans le seau qui montait, montait… Tandis que Caillette, Rougette