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était un trésor…

Et si tu pars, et si tu suis les pernicieux conseils de ta trompeuse imagination, Paul, tu le perdras ce trésor !… Pourquoi aller en chercher d’autres, imaginaires, à l’étranger, quand, sous ta main, sans te déranger, tu peux en posséder un, unique et précieux entre tous ?…

Ils s’aimaient depuis plusieurs années déjà, Paul et Jeanne. Quand Jacques Pelletier arriva à Bagotville, François Morin y était fixé depuis près de dix ans et Jeanne n’était qu’une bambine qui, toute la journée, suivait son père aux champs, courait partout, prairies et bois, à la cueillette des framboises et autres petits fruits sauvages, ou à la recherche des nids d’oiseaux… En arrivant, Paul s’était bien vite lié d’amitié avec cette enfant, à peu près de son âge, et si gracieuse et si gentille. À cette époque, le jeune fils de Jacques Pelletier était un mélange d’irréductible enfantillage, exubérance physique et de simplicité rude. Et en le voyant aujourd’hui avec cette gravité de mauvais aloi, sa mère regrettait presque qu’il eût grandi… Pourquoi donc l’impossibilité de ce rêve puéril et doux — semblable à celui que font toutes les mères — de le conserver tel qu’il était alors : petit enfant aux yeux limpides et à la tête bouclée ?… Tant de difficultés allaient se lever bientôt autour de ce petit être indiscipliné et charmant qui prenait déjà des allures