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crépuscule tombe, lentement, en nappes grises, du haut des arbres aux teintes bistrées où la brise, très légère, met de légers froissements de soie et fait courir d’imperceptibles chuchotements. Une odeur pénétrante d’herbes aromatiques, de fleurs et de foin coupé monte de la terre qui fume comme un encensoir ; et cette senteur porte en elle une griserie qui s’insuffle dans les veines et fait vibrer les nerfs de toute la force de sa volupté. Exceptée la chanson murmurante de la baie, excepté le travail sourd des insectes et les pépiements de plus en plus faibles des oiseaux, pas un bruit dans l’espace ; la pureté d’une grande bénédiction tombe sur la nature qui s’endort. Oh ! l’impalpable joie qui palpite dans le ciel et sur la terre à la tombée d’une nuit d’été… Pourquoi faut-il que la douleur s’y mêle ?…

Aux pieds du calvaire de la route, deux femmes, une vieille et une jeune, sont prosternées ce soir, abîmées dans une douleur indicible, les épaules secouées de convulsifs sanglots, les joues ruisselantes de larmes brûlantes qu’elles laissent tomber, chaudes, abondantes, à croire qu’elles couleront toujours.

C’est la mère de Paul et Jeanne, sa fiancée. Tout à l’heure, pendant que toutes deux, avec le père, prenaient l’air sur le seuil de la maison, en parlant du cher absent, elles avaient vu monter le curé, l’air soucieux, et, tout de